- Qu'avez-vous pensé du Costume Institute Ball au Met la semaine dernière ? Cette soirée a représenté tellement d'efforts ! C'était épuisant, mais vraiment réussi et gratifiant. J'ai travaillé avec Cameron Diaz habillée par Dior, Liv Tyler par Calvin Klein, Jennifer Garner par Valentino et Mischa Barton par Giambattista Valli. Que des femmes très belles et différentes...
- Comment êtes-vous devenue styliste de stars ?J'ai étudié la sociologie-psychologie à l'université George Washington. A 21 ans, j'étais assistante au YM Magazine. J'ai commencé à m'occuper du stylisme de popstars dans les années 90 : Jessica Simpson, Enrique Iglesias, les Backstreet Boys. C'était lucratif, mais aujourd'hui, à 35 ans, je cherche plutôt à être inspirée. J'essaie de mélanger et équilibrer : publicité, presse, consulting, tapis rouge. Une expérience très créative que j'ai beaucoup aimé par exemple, ce sont mes contributions au « Vogue » Espagne.
- Quelles sont vos clientes actuelles ?Cameron Diaz, Liv Tyler, Jennifer Garner, Keira Knightley, Mischa Barton, Demi Moore. Je fonctionne différemment avec chacune d'elle. Parfois je partage toutes mes journées avec elles pendant six mois puis je ne les vois plus pendant les trois mois qui suivent. Mais tout dépend.
- Quelles sont les principales marques avec lesquelles vous travaillez ?Je suis ouverte à tous créateurs, mais les plus réguliers sont Valentino, Chanel, Dior, Galliano, Balenciaga, Gucci, Alexander McQueen, Cavalli, Versace, Alberta Ferretti, Zac Posen à New York... La liste ne s'arrête pas là. - Quel est le tarif actuel pour le stylisme d'une prestation tapis rouge ?Je ne m'en occupe pas, c'est mon agent qui gère ce genre de détails.
- Combien d'assistantes travaillent avec vous?J'ai cinq assistantes, dont deux stylistes pour les essayages et les silhouettes. Ces filles voyagent avec les clientes, parfois durant plusieurs semaines. Elles ont 24 et 27 ans.
- Est-il difficile de se procurer un "prototype" ou une robe couture signée Balenciaga ou Chanel pour un événement tapis rouge ? On essaie de mettre une option sur une silhouette le plus tôt possible. En général, chaque maison n'a qu'une collection avec laquelle tout le monde - stylistes, magazines... - travaille. C'est de la négociation en permanence : nous empruntons un vêtement pour un essayage, qu'ensuite il faut rendre parce qu'un magazine souhaite le photographier, mais nous devons convaincre l'attaché de presse entretemps de ne le faire porter par personne d'autre. Souvent les stylistes ou les attachés de presse sont mes amis, ce qui facilite les négociations.
- Travaillez-vous directement avec les maisons de couture ou passez-vous par des agences ? Tout dépend de la maison avec laquelle je travaille. Le plus souvent, je fais des demandes aux créateurs ou aux directeurs des relations publiques. Quand j'entretiens une relation plus personnelle avec eux, je passe un simple coup de fil en direct. Lorsque je veux faire fabriquer une robe sur mesure, j'essaie de travailler avec le minimum d'intermédiaires pour que l'expérience entre le créateur et ma cliente soit la plus intime possible.
- Assistez-vous aux défilés ? Quels ont été vos favoris la saison dernière ? Les défilés, j'adore. Surtout la couture : c'est de l'art sur les podiums. J'y trouve toutes mes inspirations pour des histoires de mode, de tapis rouge ou de campagnes publicitaires. A la fin, j'ai le vertige tellement il y a de l'énergie dans l'air ces semaines-là. Cet été, j'irai bien sûr à Paris voir les shows avant d'aller célébrer l'anniversaire de Valentino à Rome. Le plusépuisant de ce métier, ce sont ces voyages permanents. La couture parisienne a lieu juste après les Oscars, ce qui complique les choses. J'aimerais tellement que ça change ! J'ai eu plein de coups de coeurla saison dernière. Dior - j'y ai choisi la robe qu'a portée Cameron au Costume Institute Ball - Valentino, Alexander McQueen, Lanvin - c'est fascinant de voir à quel point les vêtements d'Alber Elbaz qui ont l'air si simples de loin sont en réalité des constructions très techniques et complexes -, Giambattista Valli - il sait ce que les femmes veulent porter - sans oublier bien sûr Chanel : Karl est un des plus grands génies de notre temps, il ne fait jamais aucune erreur, il est stupéfiant. J'ai beaucoup aimé ce qu'a fait John Galliano cette saison, autant pour sa marque que pour Dior. Il a donné chaque fois le meilleur de lui-même. J'ai aussi une passion pour Christian Lacroix : sa couture est saisissante.
- Pouvez-vous nous décrire un événement tapis rouge récent, où tout s'est déroulé parfaitement pour votre cliente ? Je présente à toutes mes clientes le plus d'options possible : on ne peut jamais savoir comment quelqu'un va se sentir dans une robe. Je fantasme sur ce à quoi la personne devra ressembler, quelle robe elle devra porter... Parfois c'est ce qui se finit par se réaliser, parfois, non. Je m'obstinevraiment quand je suis convaincue qu'une idée est bonne. On fait plusieurs essayages car la ligne, la coupe, doit être parfaite. En ce qui concerne les bijoux, j'en propose toujours énormément. Le plus souvent, je choisis du vintage : Van Cleef, Fred Leighton, Bulgari... En revanche, pour la coiffure et le maquillage, je préfère que mes clientes restent avec leur propre équipe qui voyage en général avec elles comme une vraie famille. Ce sont des expériences presque « organiques ». Aux Oscar 2006, par exemple, je n'aurais jamais imaginé faire porter à Keira Knightley une simple robe à une bretelle avec un collier aussi imposant. Mais l'opportunité était trop belle pour elle, du genre qui ne se présente qu'une fois dans une vie : cette parure somptueuse sortie des archives Bulgari a appartenu à Elizabeth Taylor. Mon objectif est toujours de transmettre à mes clientes le sentiment qu'elles sont exceptionnelles à travers ce genre d'expériences.
- Et votre pire expérience ?Les choses prennent toujours des tournures cauchemardesques malgré tous nos efforts. L'an dernier à Cannes, j'avais une cliente qui portait une robe avec un lien ficelle. Sur la moitié des photos le lendemain, on voyait cette bretelle, sur l'autre, non. Heureusement, la robe était magnifique, avec ou sans !
- Parlez-nous du vintage : est-ce que vous aimez toujours chercher des pièces rares ? Je collectionne le vintage depuis l'âge de 13 ans et c'est toutmon univers, toute mon esthétique. Aujourd'hui, même avec tout l'argent du monde, il est difficile de rester unique : c'est un des moyens infaillibles. C'est génial de pouvoir se dire qu'on est seul au monde à posséder un modèle. La période glamour que je préfère est celle des années 20 à 70. Dans tous mes voyages je pars à la chasse aux trésors. Mes préférés sont Galliano, Lanvin et bien évidemment Yves Saint Laurent, le plus grand créateur de notre temps. Je ne pense pas que cette mode du vintage disparaisse un jour : au contraire, elle va empirer, côté prix ! La plupart des créateurs aujourd'hui s'inspirent du vintage et tant mieux. Je ne vois rien d'anormal à vouloir rendre hommage à de grands créateurs tels que Poiret et Balenciaga.
- Quelle est votre pièce vintage préférée? Ma mère m'a offert un manteau en fourrure léopard signé YSL des années 60 dont je suis totalement amoureuse. J'adore mes trenchs vintage Gucci aux doublures de soie siglées "GG », tout Tom Ford, mes Halston et ma collection de sacs Chanel.
- Que répondez-vous quand on reproche aux stylistes de stars d'être celles qui les condamnent à fondre jusqu'à la taille mannequin pour pouvoir enfiler les prototypes de défilés ? Je viens de passer une très mauvaise année avec la presse à ce sujet. Me retrouver comme ça en première ligne et sous les projecteurs n'a jamais été un plaisir pour moi, sinonj'aurais choisi d'être actrice. Heureusement, le monde de la mode m'a vraiment soutenue. Je répondrais que c'est m'accorder vraiment trop d'importance que de s'imaginer que je puisse être la cause d'un tel phénomène.Et que la presse cherche sans cesse un responsable à ce problème de la maigreur : cf. Kate Moss dans les années 90 avec l'histoire de l'héroïne chic. Je travaille avec toutes les femmes, y compris des femmes voluptueuses auxquelles je cherche à transmettre de la confiance.
- Qui aimeriez-vous habiller que vous n'ayez pas encore eu l'occasion de faire ? J'aimerais vraiment travailler avec Charlize Theron, mais il faut que ça se fasse d'une manière naturelle, alors on verra. - Vous faites aussi beaucoup de consulting pour des marques de mode. Vous allez travailler sur le relancement de la marque Halston. C'est une expérience qui vous amuse ? Je suis très excitée par ma collaboration avec Halston. Pour moi, lui et Yves Saint Laurent sont les deux personnes les plus influentes de la mode du XXème siècle. Il n'est mort qu'en 1990 et son nom n'a pas encore été terni. La nouvelle collection défilera à New York avec peut-être une présentation à Paris. Halston représentait tellement le fun et le glamour : il est temps que ce grand nom reprenne sa place dans la mode américaine. - Serez-vous à Cannes ? Pas sûr encore. Je vais faire beaucoup d'allers-retours Europe-USA entre maintenant et la couture. Neuf en tout. Je n'ai pas encore décidé si j'aurais ou non la possibilité de venir au festival.
(Propos recueillis par Michaela Dosamantes - 11 mai 2007) - Vogue.com
